LE COURRIER AMOUREUX DE MADAME CHOSE

Maman à tout prix

Chère Madame Chose, 

À la veille de mes 45 ans, je suis toujours ambivalente en ce qui a trait à avoir des enfants. Bien que les femmes puissent en avoir plus tard de nos jours grâce aux traitements de fertilité, quand devrions-nous renoncer à notre maternité ?

Voyez-vous, Madame Chose, même si j’ai toujours cru que j’aurais une vie comme tout le monde (un mari, des enfants, une maison et une fourgonnette), les évènements ont fait en sorte que ce n’est jamais arrivé. Cependant, j’éprouve ce désir profond qu’un enfant m’appelle « maman » et qu’il me saute dans les bras lorsqu’il a de la peine.

Pour remédier à ce désir maternel, je parraine plusieurs enfants des quatre coins du monde : en Afrique, au Pérou et en République dominicaine. Étant une grande voyageuse dans l’âme, ne pas être mère me permet de le faire. Par contre, on dirait qu’il me manque encore quelque chose. J’ai même envisagé, depuis quelques années, l’adoption internationale. Mais ce n’est pas évident quand on est célibataire…

Quand les gens me demandent si j’ai des enfants et que je leur réponds « non », un sentiment de honte et de regret m’envahit souvent. Comme si ma vie était incomplète. Je répète donc ma question : quand est-il temps de renoncer à notre maternité et d’en faire le deuil ? En ajoutant celle-ci : comment savoir si c’est un désir profond et réel ou bien une obligation sociale ?

Jeune femme ambivalente

Chère Jeune femme ambivalente,

Une partie de moi a envie de vous répondre qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves. Une autre a envie de vous dire que, tôt ou tard, il faut bien s’avouer qu’on ne chantera jamais ailleurs que sous la douche. Dans votre cas, c’est facile de répondre, parce que votre rêve est en réalité un cauchemar.

Vous avez eu la clarté d’esprit de vous abstenir de procréer jusqu’à maintenant, alors, de grâce, ne flanchez pas. Parce qu’un nourrisson, ça ne vous appelle pas maman quand il a de la peine. Ça remplit 48 couches par jour. Pis ça bave.

En plus, vous êtes seule. Vous n’aurez personne sur qui vous venger, le matin, quand vous aurez passé la nuit sur la corde à linge à allaiter, pis à écouter dans le moniteur pour savoir si la chose respire encore. Pis même quand ça grandit, un enfant, ça vous appelle maman juste pour demander du jus ou des «bonhommes» à la télé. Oui, vous serez obligée de vous acheter un cadeau de fêtes des Mères toute seule. Parce que les petits ne rapportent jamais rien qui a de l’allure de l’école ou de la garderie. Avouez qu’un collier en macaronis, c’est laid.

Vous n’êtes toujours pas convaincue ? Pensez à ce moment magique où l’on vous demandera si votre petit garçon ou votre petite fille ressemble plus à sa mère ou à son père.

Jeune femme ambivalente, je comprends votre désir de materner. Il est bien légitime. Mais il faut être fou pour avoir un enfant. Et c’est le genre de folie qu’on fait quand on est jeune. On dit que ça prend un village pour élever un enfant. Alors, si j’étais vous, je me concentrerais sur les enfants des autres. Je cherche justement une gardienne pour demain. Moi et mon délicieux mari, on voudrait aller à l’hôtel pour dormir huit heures en ligne.

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